Partie 1 : Qu’est-ce que la démocratie directe ?
Le mot du prof :
Cet article a pour but d’éclairer par l’Histoire la définition de démocratie directe. Étant parfaitement conscients que l’exemple athénien ne parle que pour lui-même, que chaque expérience démocratique doit être étudiée dans son contexte historique, avec son rythme, les attentes de ses citoyens, son champ des possibles propres, nous savons qu’il serait malhonnête de prétendre comprendre la « démocratie directe » par le seul exemple athénien. Toutefois, il nous a semblé bon de nous pencher sur ce cas si emblématique, remis au goût du jour par des renouvellement historiographiques importants ces dix dernières années. Surtout, le cas athénien nous a paru à même d’éclairer les idées de nos concitoyens.

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« Aujourd’hui s’est installée dans notre société, et de manière séditieuse par des discours politiques et extraordinairement coupables, l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu’il y ait une forme de dictature qui s’est installée… Mais allez en dictature ! La dictature, elle justifie la haine, elle justifie la violence pour en sortir. Si la France c’est cela, essayez la dictature et vous verrez ! ».
Cette virulente sortie du président Macron à l’encontre des déclarations critiquant sa manière de gouverner (24 janvier 2020) nous a semblé très signifiante : elle révèle les interrogations d’une partie croissante de la société française sur notre régime politique.
« Dictature », « régime autoritaire », « régime autocratique », « régime totalitaire » voire « fasciste », la récurrence de ces propos dans la sphère publique mais aussi sur la scène politique nous incite à remettre dans la lumière de l’Histoire ces notions, et à nous interroger sur ce qu’est une démocratie, afin de se faire une idée éclairée sur l’évolution de notre régime. Dans ce premier article sur le thème, nous tenterons d’offrir une clarification de ces notions afin de se pencher par l’Histoire sur la fameuse « démocratie directe ». Nous verrons dans un article qui suivra la place de la démocratie dans notre régime.
Si une synthèse complète sur le sujet nous parait impossible étant donnée sa densité, il semble important d’apporter une lumière historique sur certains points qui peuvent éclairer le débat.
Des notions mal connues ou globalement mal employées
Notre premier réflexe consiste à clarifier ces notions afin de savoir de quoi on parle.
La « dictature » est un régime politique où tous les pouvoirs sont concentrés chez un dirigeant unique ou un parti unique. Le mot est donc inadéquat pour un régime basé sur des élections entre différents partis, et où les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) sont séparés.
Le « régime autocratique » est une forme de gouvernement où le dirigeant est souverain de son peuple ; il possède toute l’autorité. Là encore, l’expression est impropre pour qualifier un régime où les pouvoirs sont séparés.
Le « régime totalitaire », point ultime de l’autocratie, est un régime qui se caractérise d’une part par un contrôle de la vie politique avec un parti unique et une police politique au service du parti, d’autre part, par le contrôle de l’économie (planification), et enfin, qui encadre la société et contrôle les esprits grâce à la propagande, la censure et le culte de la personnalité. La liberté de critique politique (cf. notre précédent article) suffit à écarter ce type de régime.
Le terme de « fascisme » fait référence à un contexte historique bien particulier : l’Europe des années 1920-1930. Il s’agit d’un système politique qui se rapproche du totalitarisme. Il est établi pour la première fois en 1922 par Benito Mussolini en Italie. C’est un système nationaliste (exaltation de la nation), populiste (démagogie dirigée vers le peuple) et autoritaire.
Enfin, on peut également entendre le terme de « Monarchie présidentielle ». La notion est apparue dans les années 1970, crée (ou du moins popularisée) par Maurice Duverger, un politologue français. Il est le premier à mettre en avant le concept de « monarchie présidentielle » (ou « monarchie républicaine »). Il s’agit d’un oxymore : « Monarchie » et « présidentielle » (ou « républicaines ») sont deux notions contraires ; nous pouvons même dire qu’elles s’opposent totalement. Cette expression donc de « monarchie présidentielle » est un paradoxe péjoratif qui vise à nuancer le caractère républicain du régime « qui donne des rois » grâce à l’élection du président de la République au suffrage universel à partir de 1962. Un « monarque républicain » est donc un président de la République qui exerce un pouvoir de nature monarchique.
Cette lecture de notre régime politique a marqué les esprits, elle a le mérite de pouvoir à la fois viser le pouvoir présidentiel fort prévue dans la constitution, ainsi qu’une certaine forme de pratique du pouvoir, perçue comme « au-dessus » du reste du monde politique.
Un usage raisonné et averti de ces termes est fondamental pour éviter des approximations coupables lorsque l’on tente de faire vivre notre régime politique. De plus, toute critique mal formulée s’en trouve légitimement discréditée, ce qui est catastrophique pour le débat démocratique.
Reste que la critique de notre régime est réelle, et tout à fait audible : sommes-nous encore dans une démocratie, principe essentiel de notre république ? Ne faudrait-il pas opter pour une démocratie plus directe ? Le mot est lâché…
La démocratie directe. Un exemple athénien lointain mais riche d’enseignements
Nous nous sommes penchés sur ce qu’est la démocratie, ce qu’elle était vraiment, revenir sur ses racines, celle d’une démocratie des plus directes qui soit. Cette démocratie a vu le jour au Vème siècle av. J-C à Athènes. Il semble essentiel de s’interroger sur la nature de ce mot si connu des européens : « démos» désigne le « peuple », et « kratos» désigne le « pouvoir » donc « Le pouvoir au peuple ».
L’organisation du système institutionnel est bien connue, et représentée par un schéma très clair dans tous les manuels d’Histoire de 6èmeet de 2nde. La démocratie athénienne se caractérise donc par un cadre institutionnel assurant la participation du plus grand nombre aux affaires communes. L’ assemblée (ecclésia) se réunissaient sur la colline de la Pnyx. Il s’agit de l’institution phare de la démocratie athénienne puisque que c’est là où étaient votées les lois. Pour préparer ces lois et organiser les débats, 500 citoyens athéniens étaient tirés aux sort chaque année, ils composaient la Boulé. Enfin, le pouvoir judiciaire était confié à l’Héliée, un tribunal composé de 6000 Héliastes, titrés au sort, pour trancher les affaires, qui sont extrêmement nombreuses.

Tous les citoyens pouvaient donc participer aux votes, d’où la qualification de démocratie directe : pas de représentants, juste des citoyens. Pour permettre aux plus pauvres de participer au pouvoir, une compensation financière journalière était accordée : le misthos, institué par Périclès. L’ecclésia était réunie 40 fois par an, l’ordre du jour étant affiché sur l’agora, le cœur de la vie politique. N’importe qui pouvait prendre la parole, c’est l’égalité de droit : l’isonomie instituée par Clisthène en 508-507 av. JC. Chaque session était précédée d’un sacrifice (vie religieuse et vie politique étaient intiment liées à Athènes). Les votes s’effectuaient à main levée, sous le contrôle des Prytanes. Voilà pour le tableau.
Mais comment est née la démocratie ? Rappelons qu’avant le Vème siècle, Athènes était dirigé par des familles nobles (système oligarchique) ou encore par un homme (tyrannie) notamment lorsque le pouvoir était dans les mains de Pisistrate (561-527 av. JC). Schématiquement, le passage progressif de l’aristocratie à la démocratie se fit par l’importance grandissante des hoplites (les soldats) dans les victoires militaires athéniennes. En effet, les hoplites n’avaient alors pas de citoyenneté juridique. De ce fait, leurs revendications furent de plus en plus évidentes : chaque homme qui est soldat doit avoir accès au pouvoir juridique. Les mêmes droits pour tous ceux-là !

Aristote écrit dans sa Politique que la démocratie désigne une certaine distribution du pouvoir, marquée par le règne de la loi majoritaire. Cependant, derrière ce tableau institutionnel qui a l’air bien statique, se cache une autre réalité plus agitée, plus humaine :
Lors des assemblées, les insultes fusaient, des violents conflits éclataient entre les magistrats. Il fallait un grand courage pour prendre la parole, et il était difficile (voire quasiment impossible) de s’y faire entendre. Ainsi, les cris lancés à Cléon, l’un des principaux hommes politiques d’Athènes, relatés au théâtre:
« Espèce de canailles, de fripouille gueularde, tout le pays est plein de ton audace, toute l’Assemblée, la finance, la greffe et les tribunaux, espèce de farfouilleur d’immondices qui a mis sens dessus dessous la ville entière »
Aristophane, Les cavaliers, représentée en 425 av. JC

Au sein de l’Héliée, certaines personnes auraient développés la « maladie du patron » : la «Judicardite » pour :
« C’est ça qui le démange : juger ! Il faut toujours qu’il siège sur le premier banc des juges, sinon il braille !»
Aristophane (Les Guêpes, vers 86-110)
Il compare également ces citoyens à des abeilles ou encore à des bourdons, faisant ainsi référence à la cire qu’il convenait de gratter pour condamner un prévenu. Plus l’héliaste désirait une lourde peine, plus il devait gratter la cire d’une sorte de tuyau prévu à cet effet. Aristophane décrit alors non sans malice des citoyens ayant beaucoup de cire sous les ongles, puisqu’il passait leurs temps à condamner d’autres citoyens.
« Il est si hargneux qu’il raie ses tablettes de bout en bout pour mettre la peine maximum à tout le monde ; et quand il rentre, on dirait une abeille ou un bourdon : il a plein de cire sous les ongles ! »
Ces agitations, ces défaillances rendent le système athénien plus intelligible et plus proche de nos sociétés contemporaines. Il commence également à rendre difficile son idéalisation. Mais l’Histoire de la cité des Athéniens nous pousse de plus en plus à relativiser cette proximité avec le présent, puisqu’elle nous montre une réalité difficilement transposable dans le temps.
Une difficile transposition dans le présent
Tout d’abord, la cité athénienne s’étendait sur un petit espace (seulement 2 500m2), et seulement 45 000 hommes (soit 15% de la population) étaient citoyens, puisque rappelons le, seuls les hommes majeurs nés de parents citoyens athéniens étaient citoyens. La citoyenneté politique excluait les femmes, les esclaves et les métèques. Les libertés athéniennes sont difficilement comparables avec celle prônées par les Droits de l’Homme modernes.
La notion complexe de politeia, difficilement traduisible en français, reflète deux réalités. D’une part, elle prend une valeur individuelle : elle relate les droits et devoirs d’un citoyen athénien, aussi bien dans les institutions politiques que dans les rituels communautaires (les pratiques religieuses). D’autre part, la notion de politeia prend une dimension plus globale, commune : elle exprime le régime politique de la communauté. Dans les deux cas, cette notion touche aussi bien l’aspect juridique et politique que l’aspect communautaire et religieux.
La notion complexe de politeia, difficilement traduisible en français, reflète deux réalités. D’une part, elle prend une valeur individuelle (…) D’autre part, (…) une dimension plus globale, commune…
Aristote, philosophe grec de l’Antiquité, a tenté de fixer une définition claire du terme de politeia. Il définit ainsi le citoyen : « Quiconque a la possibilité de participer au pouvoir délibératif [les héliastes] et judiciaire, nous disons dès lors qu’il est citoyen (politès) de cette cité ». Il ajoute : « nous appelons cité (polis) la collectivité des individus de ce genre en nombre suffisant pour vivre, en un mot, en autarcie ». Cette définition est cependant perçue comme trop simpliste et ne reflétant pas l’ensemble de la notion. De plus, les femmes n’étaient certes pas citoyennes sur le plan politique (elles étaient même qualifiées d’« anti-citoyennes »), mais elle l’étaient sur le plan religieux. Or, dans la définition que donne Aristote, la citoyenneté s’arrête au simple fait de participer aux institutions politiques.
les femmes n’étaient certes pas citoyennes sur le plan politique (…), mais elle l’étaient sur le plan religieux
Aristote était difficilement controversable : il était et reste un grand philosophe dont les idées ont longtemps été « sacrées ». Mais de nos jours, nous pouvons nuancer ses propos et établir quelques corrections à cette définition très arrêtée de la citoyenneté. Selon le régime politique du pays, la notion de citoyenneté (qui engendre droits et devoirs) varie : en démocratie, le citoyen n’a pas les mêmes droits et devoirs que dans une oligarchie ou une tyrannie. Ce point est vrai pour Athènes comme pour notre monde moderne. D’ailleurs, Aristote le reconnaît lui-même : sa définition s’adapte difficilement à d’autres régimes que la démocratie.
Finalement, si l’on élargit la définition de « citoyen », nous englobons à la fois le pan politique, administratif et judiciaire, mais aussi la participation aux rituels sacrés et à la vie communautaire.
Ainsi, hommes, femmes, métèques et esclaves trouvent leur place dans cette définition qui s’en trouve par la même difficilement transposable à notre époque. En effet la multitude des dimensions de la politeia et l’aspect éminemment collectif de celle-ci ne sont pas compréhensibles à notre époque. Et encore, il faut savoir de quel collectif nous parlons…
la multitude des dimensions de la politeia et l’aspect éminemment collectif de celle-ci ne sont pas compréhensibles à notre époque
Mais si, comme le souligne Vincent Azoulay, le demos (peuple) ne devait pas seulement s’entendre au sens politique du terme, mais tout autant de façon sociologique comme le groupe des citoyens pauvres (le « petit peuple ») exerçant son pouvoir sur l’élite ? Alors la démocratie prend une toute autre couleur…
La démocratie comme contrôle sur les élites athéniennes
La démocratie peut donc, dans l’acceptation sociale du terme, s’entendre comme une hégémonie du démos.
Les « élites athéniennes », expression désignant les personnes qui possédaient une certaine influence dans le cadre politique d’Athènes, étaient soumises durant leur mandat à une pression très forte venant du peuple.
En effet, les citoyens athéniens avaient la possibilité d’arrêter abruptement le mandat de leurs magistrats. A chaque fin de mois, les Athéniens votaient à main levée pour confirmer la poursuite des mandats, les magistrats ou stratèges (chefs des armées) pouvaient donc, en cas de vote négatif être recalés et perdre leur rôle politique ne serait-ce qu’un temps. C’est ce qui arriva à Périclès lui-même en 430-429 avant J.-C.
Il y avait également une autre procédure qui planait au-dessus de leur tête, l’eisangélie : la poursuite pour haute trahison. La « haute trahison » n’avait pas le même sens pour les Athéniens que pour nous aujourd’hui. Un soupçon ou simplement la perte d’une bataille suffisait pour qu’un tel jugement ait lieu. Après la bataille des Arginuses ( 406 avant J.-C. ), les généraux furent jugés et exécutés pour ne pas avoir pu retrouver les corps des marins athéniens dans l’eau, et ce alors qu’ils avaient remporté la bataille.
Pour finir dans les procédures juridiques, il y avait également la procédure de l’ostracisme. L’ostracisme consistait à exiler une personne considérée comme trop influente ou puissante d’Athènes pour une durée de dix ans, afin d’éviter un retour à la tyrannie.
les élites vivaient sous la pression du peuple et devaient, pour garder leur place, se conformer aux attentes dudit peuple
Ainsi, les élites vivaient sous la pression du peuple et devaient, pour garder leur place, se conformer aux attentes dudit peuple. Les Athéniens faisaient pression également par la diffusion de rumeurs. Véritable « déesse aux cent bouches » qu’ils vénéraient à cette époque, elle constituait un moyen selon Eschine de « connaître partout sans mentir tous les faits et gestes des hommes ». Au théâtre, où les acteurs et poètes s’en prenaient publiquement aux plus engagés de la vie politique, ils étaient parfois ridiculisés et critiqués sans tact. Le peuple s’en prenait à eux en les jugeant dans leur globalité, au sujet de leurs actions publiques ou de leur comportement dans un secteur bien plus privé.

Partant principalement du théâtre, les rumeurs se diffusaient souvent dans les lieux moins formels, les échoppes, dans les rues ou au sein de réunions privées (comme dans des associations ). Bien que certaines soient totalement infondées, que la véracité reste parfois à revoir, les rumeurs du peuple avaient une influence toute particulière sur l’élite d’Athènes qui devait se plier et se contorsionner pour convenir aux exigences du peuple. Dans sa biographie de Péricles, Vincent Azoulay décrit comment le stratège renonçait à des profits économiques en vendant d’un coup la production agricole de son domaine afin de ne pas être accusé de profiter des pénuries. Également, il renonçait à se rendre aux mariages de riches citoyens qui l’avaient invité, pour ne pas être soupçonné de connivence avec les riches. Plus généralement et même à la tribune de l’ecclésia, où le peuple se comportait de manière imprévisible, les orateurs devaient se débrouiller avec les réactions parfois brutales du peuple, qui ne se gênait pas pour manifester leur accord ou leur désaccord par le biais d’applaudissements ou de protestations.
Pour résumer, l’élite d’Athènes avait au-dessus de sa tête une épée de Damoclès, en la personne du peuple. La pression était telle que les dirigeants se devaient de rentrer dans le moule édicté par le démos, sans quoi ils étaient chassés de leur piédestal. On peut donc parler clairement d’une domination hégémonique du peuple sur ses élites.
Une démocratie plus vertueuse ?
Sans se rendre coupable d’anachronisme, il nous semble intéressant de nous poser la question de notre appréhension de la démocratie du point de vue moral. Comme la conception de ce qui est bien ou mal dépend évidemment du contexte historique dans lequel nous vivons, nous sommes en droit de nous demander si l’exemple athénien de démocratie directe nous parait plus vertueux que notre régime politique. La participation directe des citoyens au pouvoir est séduisante, même si encore une fois, cette participation était à la fois collective et individuelle, politique et religieuse, partiellement ouverte aux femmes qui restaient exclues du pouvoir politique par les institutions. Le fonctionnement concret du système institutionnel requiert d’entrer encore un peu plus en profondeur dans l’histoire de la cité.
A la suite des guerres médiques, Athènes décida de créer une alliance, la Ligue de Délos, avec différentes cités grecques. Ces dernières devaient payer les Athéniens en échange de leur protection contre un éventuel retour des Perses. Le trésor commun était gardé sur l’île de Délos ; cela explique donc le nom de l’alliance. Ces retombées financières aidèrent dans un premier temps à la protéger. Les athéniens armèrent d’avantage les trières (leurs navires de guerre), payèrent 200 personnes par navire et quelque 20 000 hommes chargés de l’administration de l’alliance.
Pourtant, bien vite, cet argent servit des intérêts beaucoup plus liés à la vie intra-muros d’Athènes : construction de monuments dans la cité et notamment le célèbre Parthénon. Mais c’est surtout la démocratie qui bénéficia le plus de ce trésor. En effet, à la fin des années 450, des indemnités de participation civique (les misthoi) furent créées afin de garantir aux plus pauvres un accès au pouvoir. Les citoyens en charge de leur rôle politique pouvaient continuer à vivre sans leur travail avec ce salaire.
cet outil hautement démocratique que fut le misthos fut permis et financé par l’impérialisme athénien.
Ainsi, la démocratie athénienne prit de l’ampleur et devint plus concrète. Elle a laissé au placard la théorie pour définitivement instaurer sa mise en pratique. Reste que cet outil hautement démocratique que fut le misthos fut permis et financé par l’impérialisme athénien.

De plus, les Athéniens les plus pauvres réussirent à gravir l’échelle sociale et politique grâce aux révoltes de certaines cités de la Ligue de Délos qui comprenaient toute la fourberie cachée derrière l’alliance. Ces mêmes cités se virent imposer un régime démocratique ainsi que plusieurs soldats venant d’Athènes y élisant domicile. Ces derniers, toujours citoyens athéniens, prirent les terres des habitants des cités conquises et les firent cultiver par les locaux. Chaque révolte des cités de la ligue était durement réprimée (notamment celle de Samos), matée dans le sang, pillée, les hommes mis en esclavage… Le butin perçu lors de ces répressions venait encore une fois alimenter le trésor athénien et se traduisait par une attribution du misthos à un nombre de plus en plus important de charges, renforçant alors l’appareil démocratique athénien.
Chaque révolte des cités de la ligue était durement réprimée (notamment celle de Samos), matée dans le sang, pillée, les hommes mis en esclavage… (…) renforçant alors l’appareil démocratique athénien.
Pour autant, il est important de souligner, que même si la démocratie athénienne a été considérablement aidée par la Ligue de Délos, elle ne reposait pas uniquement sur les épaules de l’alliance. Quand cette dernière s’est effondrée, Athènes a perdu tous ses contributeurs financiers. Malgré tout, la démocratie ne disparut pas et s’approfondit encore plus. Quelque temps après 403 avant J-C, Athènes créa l’indemnité de participation à l’Assemblée pour que l’ensemble des citoyens puissent assister aux réunions.
On peut cependant affirmer avec Vincent Azoulay que l’hégémonie impérialiste athénienne fut un levier considérable de leur système démocratique.
Le démos est donc bien athénien et non humain.
En conclusion, nous retenons que la démocratie athénienne, perçue par beaucoup comme un exemple idéal de démocratie directe, fut un système politique exceptionnellement novateur qui vit la participation directe des citoyens au pouvoir. Mais il s’agit de la lire dans son contexte historique pour saisir l’étendue des différences avec notre système de valeurs. La politeia grecque, notion éminemment complexe, doit se comprendre à la fois comme un ensemble de droits individuels et comme ce qui définit la communauté politique et religieuse. Les droits sont ceux des citoyens de la cité, et non d’une humanité abstraite inconcevable à l’époque. Le démos est donc bien athénien et non humain.
De plus, la mise en œuvre de ce système de participation directe des citoyens au pouvoir est indissociable d’une forme d’hégémonie du petit peuple sur ses élites, elle n’est en rien une égalité de droits, ce qui l’éloigne des principes républicains de notre régime. Enfin, elle fut rendue possible par un impérialisme affirmé et assumé sur les cités de la Ligue de Délos, qui se traduisait par une domination violente.
L’étude de l’exemple athénien nous permet de comprendre que notre régime actuel n’est évidemment pas une « démocratie » au sens pur et originel du terme, les citoyens ne participant pas directement au pouvoir. De nombreuses voix à gauche comme à droite le critique pour cette raison.
Mais alors de quoi s’agit-il ? Ce sera le thème de notre prochain article.
Par Livia Choulet, Léonie Digny, Albane Lazert et Sila Ulker,
Sous la direction de Youri Aguilaniu