« Trump »: un modèle d’anti républicanisme?

« Je serai le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ! » (2016)

« J’ai toujours eu un très bon rapport avec les Noirs!  » (2011)

« Une partie de ma beauté, c’est que je suis très riche » (2016)

Sans même le nommer, il est aisé de reconnaître l’auteur de ces citations tant le style de l’ancien président américain est unique. Au-delà de son parler, la présidence Trump a soulevé autant d’indignations que de questionnements, à commencer par celui concernant son succès, sa popularité. 

Trump raciste, Trump misogyne, Trump aux élans anti démocratiques, Trump scandaleux, Trump nationaliste, etc. Au lendemain de sa défaite électorale, pour le moins houleuse, “Trump” demeure une nouvelle marque de fabrique de la politique mondiale. 

Que renferme ce nouveau “style Trump”? Est-il devenu un modèle politique suivi par d’autres dirigeants du monde? La question peut se poser en jetant un coup d’œil sur les Bolsonaro, Salvini, Orbán et autres Johnson… Cela nous invite à nous interroger: l’”évènement Trump” constitue-t-il une rupture, une révolution? Ou s’inscrit-il dans une histoire plus longue de crise de la démocratie américaine?

Un président choquant

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Le 45ème président américain cristallise sur sa personne de nombreuses critiques.

L’atteinte à la démocratie

La présidence de Donald Trump semble tout d’abord avoir marqué les esprits par son opposition aux principes et institutions constitutifs de la démocratie américaine. Ses coups portés ont particulièrement touché la presse, pilier de tout système démocratique représentatif. En effet, les médias jouent alors un rôle important dans la communication des élus avec les citoyens. Ils transmettent les décisions, portent et supportent les messages politiques, véhiculent l’image des candidats et des élus, garantissent le pluralisme politique. Les médias sont alors le lien entre les dirigeants, les représentants et le peuple. Si le questionnement sur leur neutralité et leur nécessaire subjectivité est crucial en démocratie (voir notre précédent article), leur critique systématique paraît antidémocratique.

Connu pour sa haine envers les médias traditionnels, il n’a pas manqué, lors de chacune de ses apparitions publiques, d’insulter les journalistes présents ou de dénigrer leur travail. Maggie Haberman, correspondante du New York Times à la Maison Blanche a ainsi expliqué sur Twitter : « Quand il se bat avec les journalistes, il tente de détourner l’attention lorsqu’il ne veut pas répondre à une question. » En effet, lorsqu’un journaliste pointe du doigt les failles de sa façon de gouverner, il leur répond qu’un président n’a jamais fait autant pour l’Amérique, puis reproche aux médias d’être agressifs, pessimistes,  de déformer ses propos voire de diffuser de fausses informations. C’est ce qu’il appelle les « fake news » une expression qui ne vient pas de lui mais qu’il s’est appropriée, au point d’en faire  presque un slogan. C’est pourquoi «plus personne ne fait confiance aux médias.» déclare-t-il lors d’une interview.

Caglecartoons.com

Son opposition aux médias dits « traditionnels » (journaux, TV, radio, etc) le mène donc à l’utilisation presque compulsive de son moyen de communication favori : les tweets. Ce choix de plateforme lui offre la plus grande spontanéité et proximité avec son audience. L’ancien président peut alors déclarer ce qu’il veut, quand il veut, au moment où il le pense. Dans ces tweets, l’ancien pensionnaire de la Maison Blanche fait preuve d’une grande grossièreté, vulgarité et immaturité, il est sans filtre. Le recours aux mensonges, dans la bouche d’un président, représente un danger pour la démocratie. Le Washington Post a même comptabilisé 30573 fake news du président durant son mandat!

« Mon compte Twitter est devenu tellement puissant que je peux forcer mes ennemis à dire la vérité »

Tweet, 17 octobre 2012
International New York Times

Misogynie

« Comment Hillary Clinton peut-elle satisfaire son pays si elle ne satisfait pas son mari ? » Cet exemple, qui en cache des centaines d’autres, révèle le caractère misogyne de l’ancien pensionnaire de la Maison Blanche. Dans toutes ces sorties sur les femmes, il affiche une vision simpliste, extrêmement conservatrice des rapports homme-femme. Dans ses discours, ou tweets, les femmes sont presque systématiquement ramenées à une dimension sexuelle qui permet de les présenter comme rabaissées. Ainsi, pour évoquer les infidélités de l’actrice Kristen Stewart à son compagnon Robert Pattinson, Trump analyse: “Elle l’a trompé comme une chienne et elle le refera.”

Quand les femmes ne sont pas réduites à des objets sexuels plus ou moins dépassés, elles sont qualifiées par leur origine. Ainsi, la sénatrice démocrate Elisabeth Warren fut qualifiée de “Pocahontas” en raison de ses origines amérindiennes.

Mais il s’agit là d’un autre trait du style Trump: le racisme décomplexé.

San Francisco, CA - January 20, 2018: Unidentified participants in the Women's March.  Designed to engage and empower all people to support women's rights, and to encourage voting in 2018 election.
« Super, insensible, fragile, raciste, sexiste, nazi, « boire » : ivrogne? (lat.) »

Racisme

«Stand back, stand by! », «reculez mais tenez vous prêts » c’est la consigne donnée par l‘ancien président aux «Proud boys» un groupe de suprématistes blancs d ‘extrême droite qu’il refusa de condamner pour leurs actions et idéologie antisémites et racistes. A plusieurs reprises, Donald Trump a ouvertement communiqué son soutien à des groupes revendiquant ces idéaux. Sa misogynie, sa xénophobie, son racisme et son homophobie font partie de son personnage . Ses tweets et autres déclarations publiques choquantes ne se privent pas de discriminer différentes minorités, qu’elles soient ethniques, religieuses ou sexuelles.

C’est en réalité une des raisons de son succès: Donald Trump semble se détacher du modèle de l’Homme politique ordinaire. Mais comment? Son électorat l’aime car il diffère de l’image du politicien classique. On utilise souvent le terme de populisme pour qualifier la politique de Trump. Cette notion complexe et polysémique peut être définie comme un mouvement ou une stratégie politique se réclamant proche d’un « peuple » perçu comme homogène et opposé aux élites et aux systèmes. Les discours populistes consistent souvent à dire aux gens ce qu’ils veulent entendre en les victimisant, et en simplifiant un message afin de le rendre plus accessible voire séduisant. Pour Pierre Rosanvallon, sociologue et historien, le populisme est une “pathologie propre à la démocratie” puisqu’il s’adresse à un peuple Un, homogène, alors que la démocratie revient à prendre conscience de la diversité d’une société pour réaliser des compromis acceptables par tous. L’auteur fait également remarquer que les mouvements et régimes populistes se distinguent par leur aversion des cours constitutionnelles et autres institutions indépendantes, qui par essence, sont les garantes des droits de tous et de chacun.

Le populisme est une pathologie propre à la démocratie

Pierre Rosanvallon

Pour Pascal Ory, « Le populisme est une droite radicale dans un style de gauche radicale. Ses valeurs sont clairement celles de la tradition de droite : vitalisme, inégalitarisme, autorité, à quoi il ajoute la captation d’une grande valeur venue de la gauche à savoir la Nation, qu’il retourne comme un gant : on passe de la « Grande Nation » façon 1792, ouverte et libératrice, au « nationalisme », fondé sur la fermeture xénophobe et, en interne, sur le clivage entre « bons » et « mauvais » ressortissants de la nation considérée. »
Selon l’historien,« le populisme est même une extrême droite, par la violence de ses attaques contre les institutions établies, et, au premier chef, les institutions parlementaires. Mais cette extrême droite emprunte à son profit des programmes et des pratiques venues de l’extrême gauche : l’appel au peuple, donc, et la critique des élites, le sens du parti de masse, qu’on l’appelle « ligue » ou autrement, la préoccupation du « petit » contre le « gros » et la promesse de l’« extinction du paupérisme », pour reprendre la formule de Louis-Napoléon Bonaparte. »

Ainsi, Donald Trump suscite un vote d’adhésion, il se veut proche du peuple, un peuple blanc, républicain (au sens du parti politique américain), le voyant comme celui qui se démarquera des autres. Certains vont même plus loin, comme les militants conspirationnistes du mouvement QAnon, qui voient en Trump celui qui détruira un complot des gouvernants du monde.

Un modèle politique anti républicain?

Eléments caractéristiques d’un succès démocratique

Si la présidence Trump a créé des émules dans la classe politique mondiale, c’est que certaines de ses caractéristiques ont fait mouche et se montrent incroyablement efficaces dans le jeu démocratique. Au premier rang de ces caractéristiques, il y a son style.

Donald Trump est un président qui se démarque, on l’a dit, par un style reconnaissable et fort. Caractérisé par un franc parler, une vulgarité presque systématique et un ton de voix transpirant un air de supériorité, le « style Trump » s’observe dans chaque prise de parole du 45ème président des Etats-Unis. Le président et l’orateur théâtral et franc sont deux figures indissociables du “personnage Trump”. Son caractère et sa méthode de communication mettent en lumière alors un paradoxe remarquable : d’une part, l’ex président se présente comme proche du peuple avec des expressions populaires et des prises de paroles s’abstenant de discours ampoulés, qui ne marquerait que la différence entre le représentant et le peuple. Cela constitue un atout majeur de ses apparitions publiques car elles permettent de lever les barrières entre l’exécutif et les Américains. Également, son franc parler s’opère quand il s’adresse aux pays étrangers. C’est un homme d’Etat qui dit ce qu’il pense sans aucune barrière. Sa confiance en lui, son égo le mène à « attaquer » les dirigeants étrangers en signe de provocation. Cette façon de ne pas avoir peur de dire ce qu’il pense et cette franchise démesurée sur n’importe quel sujet, placent Donald Trump dans les rangs favorables de l’opinion publique.

Je ne veux pas utiliser le mot « niquer », mais j’ai bien niqué Kadhafi »

D. Trump sur Fox News, mars 2011

La richesse, le pouvoir, le côté “m’as-tu vu?” sont une autre caractéristique à succès de la présidence Trump. Donald Trump est avant tout un homme d’affaires issu de classe sociale supérieure et se plaçant parmi les hommes les plus riches du pays. Le paradoxe réside par conséquent dans le fait qu’il affiche une proximité avec le peuple mais qu’il vit dans une réalité bien éloignée des classes populaires. De plus, même dans sa politique il se distingue par une tendance à privilégier les personnes fortunées et riches aux personnes dans le besoin et les minorités. Il ne cache aucunement sa fortune et vient même la surexposer aux yeux du monde entier. De cela, nous pouvons observer un décalage entre ce qu’est Donald Trump et ce qu’il représente pour les classes populaires. 

Du point de vue français, l’homme politique apparaît comme un héritier d’une grande fortune familiale. Alors que d’un point de vue américain, il représente la réussite à l’américaine. A l’origine de l’engouement des classes populaires s’explique par le fait que monter en haut de l’échelle sociale est considéré comme une réussite et un projet de vie victorieux. C’est pourquoi Donald Trump représente « le rêve américain », il est celui qui, bien que vulgaire et proche du peuple, peut atteindre la richesse économique et le pouvoir. Il crée un espoir et conforte le divorce d’une partie de la population américaine avec ce qu’il nomme “le système”. 

Son côté anti-système ressort donc par sa vulgarité et son style qui le classe en dehors des conventions. 

Autre trait marquant par son efficacité : le fait de s’attaquer au “système”, aux institutions, et la remise en question de tous les avis divergents des siens. Le “système” est une expression qu’il utilise souvent mais qui a une définition assez floue. Le terme désigne à la fois l’organisation de l’État, ses institutions, les personnes riches, et toutes les élites. Il prétend ainsi mener une grande révolte, guidé par une poussée révolutionnaire contre le “système” américain. Ce “système” est politique, médiatique, économique. Comme on le voit, le flou de la notion de système nous fait penser que c’est peut être l’attaque en soi qui est la clef de la réussite du style Trump, plus que l’objet attaqué.

Tentative de comparaison

Leaders « populistes »: Donald Trump (Etats-Unis), Jaïr Bolsonaro (Brésil), Boris Johnson (Royaume Uni), Matteo Salvini (Italie), Viktor Orbán (Hongrie), Rodrigo Duterte (Philippines), Receep Tayyip Erdogan (Turquie), Narendra Modi (Inde), …

Nous avons tenté de dresser une comparaison entre Donald Trump et deux autres dirigeants politiques dits « populistes » arrivés au pouvoir en 2019. En retenant quelques caractéristiques récurrentes de leurs discours (dont la liste ne saurait être exhaustive), nous avons voulu cerner certains points de convergence entre leurs politiques.

* : Populisme : Terme le plus souvent péjoratif. Discours politique s’adressant aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants. 

** : Discours anti- État et s’opposant à ses institutions, mais parallèlement, intervention de l’État dans l’économie (protectionnisme économique: hausse des barrières douanières et taxe des produits importés de Chine et de l’UE notamment). C’est l’« America first »

L’“évènement Trump”: rupture dans l’histoire de la démocratie ou suite logique d’une crise?

Les influences de Donald

Trump est donc vu comme une figure nouvelle, révolutionnaire de la vie politique, lui-même clame être un « self-made man ». Mais après quelques recherches, se dessine une influence et un modèle pris sur certaines personnalités américaines comme Andrew Jackson, Steve Bannon, ou encore Jess Ventura. Andrew Jackson fut le septième président des États-Unis (1829-1837), il était alors vu comme un espoir pour une « nouvelle Amérique » et Trump le considère comme le premier président populiste (au sens d’un président se souciant du peuple). Il fit d’ailleurs accrocher un portrait de lui dans son bureau ovale. Jackson était lui aussi vu comme un président « rompant avec ses prédécesseurs ». Alors que Trump refuse d’admettre sa défaite aux élections de 2020, Andrew Jackson en 1829 refusa de saluer le président sortant. 

File:Andrew Jackson portrait in Trump Oval Office.jpg - Wikimedia Commons
Portrait d’Andrew Jackson installé dans le bureau ovale par Donald Trump en 2017

Steeve Bannon est l’ex conseiller à la maison blanche de Trump, il a grandement contribué à son accession au pouvoir. Figure emblématique de l’extrême droite américaine, et caractérisé comme « le parfait méchant d’un film Hollywoodien », Bannon fut renvoyé de la maison blanche en 2017 pour des idéaux trop radicaux et fut arrêté en 2020 pour détournement de fonds. 

Enfin, le comportement et l’attitude de Trump peuvent même être comparés à un catcheur ayant le « mauvais rôle » dans un duel. Grossier, franc et brutal, Jess Ventura est un ancien catcheur et ami de Trump, il se fait lui aussi remarquer au début de sa carrière en participant à des émissions de télévision ou des publicités, et communique en grande partie grâce aux médias populaires. La façon de gouverner de Trump est, on l’a vu, prise comme exemple par certains gouverneurs d’extrême droite, elle fait mouche comme un catcheur sur un ring: Durant sa campagne victorieuse, le candidat Trump assénait: “Quand quelqu’un vous attaque, ripostez. Soyez Brutal, soyez féroce”.

Donald Trump, sur le point de raser le crâne du président de la fédération de catch (WWE), sur un ring, suite à un pari (2007)

Rupture ou continuité?

Pourtant, si l’on peut trouver des influences de l’ancien pensionnaire de la Maison Blanche, la première impression qu’il suscite est celle d’une rupture. Quand le 8 novembre 2016, Donald Trump fut élu 45e président des États-Unis face à Hillary Clinton, le choc fut violent pour toute la planète, suscitant parfois une incompréhension totale. Suite à une présidence comme celle de Barack Obama, la victoire de Trump a surpris tout le monde par son caractère fortement improbable. Pourtant, cette élection est une suite logique et directe de la crise de la démocratie qui sévit depuis plusieurs années dans la première puissance mondiale.

En effet, les valeurs premières de la république fédérale américaine (liberté, égalité et unité) ont rarement été aussi peu respectées. L’élection de Trump s’inscrit donc dans un temps plus long, c’est un symptôme d’un mal qui touche depuis longtemps le système politique américain. Cette dernière peut se constater et s’expliquer par différents facteurs. 

Tout d’abord par une crise des institutions politiques américaines. Depuis de longues années, on observe une bipolarisation de la vie politique américaine : seuls deux principaux partis s’affrontent à savoir les Républicains et les Démocrates. Cependant les Républicains penchent de plus en plus vers l’extrême droite américaine, notamment afin de capter d’autres mouvements contestataires comme le Tea party. La droitisation de ce parti amène davantage d’extrémisme et de discriminations ainsi qu’une expansion des théories du complot. 

Laurence Nardon, docteur en science politique et spécialiste des Etats Unis décrit également un accroissement du rôle de l’argent dans la société américain entraînant la fin de la possibilité d’accomplir le “rêve américain”. Ce rêve consiste à penser que nous pouvons atteindre des sommets par soi-même en partant de presque rien. Plus qu’un rêve, c’est une valeur fondamentale de la démocratie américaine. Or, dans les années 80, l’Etat mena une politique économique ultra-libérale qui entraîna la paupérisation d’une importante partie de la classe moyenne américaine. Le “rêve américain” devint de moins en moins réalisable. Trump a alors tenté de représenter lui-même ce rêve même si son histoire prouve le contraire. Une partie de la population l’a donc naturellement suivi, afin de retrouver cette valeur de moins en moins accessible depuis les années 80. 

Si l’”évènement Trump” s’inscrit donc dans une longue histoire de crise de la démocratie américaine, il faut souligner le fait que l’ancien président n’a eu de cesse de poursuivre et d’alimenter cette crise. Ses atteintes à la démocratie, ses discours discriminatoires, ses sorties sur les minorités, sur les femmes, sur les étrangers n’ont donc pas créé une séparation déjà présente depuis de longues années mais il a agrandi la scission qui fissure la société américaine.

Lors d’une crise, en l’occurrence celle de la démocratie, il est compréhensible qu’un président antisystème soit élu par un peuple qui souhaite une révolution. En effet, Trump a un discours révolutionnaire qui tend à marquer une rupture avec les derniers présidents. Les électeurs en quête de changements et de bouleversements se sont donc tournés vers lui. Pourtant, si Donald Trump a tenu un discours aux accents révolutionnaires, n’a-t-il pas fait la promotion d’une révolution conservatrice ? D’un retour impossible vers un âge d’or dont le déclin fut sa meilleure carte dans le jeu électoral? Par sa politique de fermeture au monde, son protectionnisme économique, par ses valeurs idéologiques, sa conception des femmes, des races, Trump est très profondément conservateur.

Par Esther Bellanca-Penel, Léa Cabrera, Livia Choulet, Léonie Digny et Lily Oeuvrard

Sous la direction de Youri Aguilaniu

Discours d’Éric Zemmour à la convention des droites (28 septembre 2019)

Samedi 28 septembre 2019, à Paris, s’est déroulée la convention de la Droite : un grand rassemblement politique censé réunir des élus, entrepreneurs, écrivains de la droite française afin de réfléchir sur les problèmes et défis de la société, et de trouver « une alternative au progressisme ». Il est à noter que les interventions les plus médiatisées furent celles de deux personnes non-élues : Marion Maréchal (ancienne élue du Front national qui a officiellement quitté la vie politique) et le polémiste et chroniqueur Éric Zemmour dont le discours fut retransmis en intégralité (plus de 30 minutes) et en direct sur LCI. Ce discours représente de notre point de vue une nouvelle étape dans la rhétorique antirépublicaine tout en s’inscrivant dans une longue tradition idéologique qu’il est éclairant de révéler. Enfin, le rapport à l’Histoire de Zemmour nous interroge sur sa méthode et sur les conséquences de celle-ci. Décryptage.

Une opposition aux valeurs et principes de la République

La nouveauté, c’est la frontalité de l’attaque aux valeurs et républicaines, héritage de la Révolution, et aux principes qui en découlent. L’histoire nous apprend que les mentalités sont en perpétuelle évolution, que les manières de vivre et de penser changent, les valeurs portées par un régime se construisant en suivant ces transitions.  Liberté – Égalité – Fraternité. Nous connaissons toutes et tous ces trois mots, nous les lisons tous les jours sur les murs des mairies ou des écoles, nous les avons intégrés comme les premières valeurs républicaines construites au fil de l’histoire de France. Ce sont ces évolutions auxquelles s’oppose Éric Zemmour. Il revendique un attachement aux traditions, et le montre par la condamnation de la PMA, la prise en dérision des mouvements « LGBT et autres X Y Z… » ou le mépris du féminisme dans la société actuelle. Notre point de vue n’est pas de prôner ou de critiquer ces évolutions, mais de les observer pour ce qu’elles sont : des faits historiques.

En s’attaquant essentiellement à l’islam et aux musulmans, il crée un « autre » au sein de la société, un « autre » hostile contre lequel il faut lutter, niant ainsi l’égalité de droit républicaine

Le discours du polémiste segmente la population française en fonction des sexes, des couleurs de peau ou des croyances religieuses. En s’attaquant essentiellement à l’islam et aux musulmans, il crée un « autre » au sein de la société, un « autre » hostile contre lequel il faut lutter , niant ainsi l’égalité de droit républicaine. On peut donc parler d’une diabolisation de ceux qui, d’après lui, seraient nos ennemis communs, ceux qui auraient pour but d’exterminer « l’homme blanc hétérosexuel et catholique».  Zemmour réinvestit ainsi la théorie du « Grand Remplacement », popularisée par Renaud Camus (mais qui selon Gérard Noiriel remonte à Maurice Barrès et Edouard Drumont). Il se donne le rôle d’ouvrir les yeux des français dits « de souche ». Il exhorte les jeunes générations à refuser d’être « minoritaires sur la terre de leurs ancêtres», à se préparer à lutter contre « l’envahisseur», à se battre physiquement. D’après lui, « la laïcité, l’intégration, l’ordre républicain, l’État de droit, le vivre-ensemble, la république, … » ne sont que des « vieux mots » vidés de leur sens et qui « ne veulent plus rien dire», il faut leur tourner le dos et ne plus s’y accrocher comme… Charles X (dernier roi aux ambitions absolutistes) s’accrochait au sacre royal ! 

… il trouve ridicule de s’efforcer à rendre égaux ce qui ne le sera jamais dans la nature.

Selon le polémiste, la Liberté n’est plus, ou alors elle ne subsiste uniquement pour un petit groupe d’individus qu’il nomme les « bon penseurs ». En revanche pour lui et la « majorité » la liberté a disparu. Ainsi, elle serait « rendue au silence et tétanisée », ce qui le pousse à dénoncer une censure imposée injustement et inévitablement. Mais c’est sans doute sa critique de l’égalité qui est la plus claire : il trouve ridicule de s’efforcer à rendre égaux ce qui ne le sera jamais dans la nature. Cette thèse simple n’est pas nouvelle et est déjà défendue par le sophiste grec Calliclès, un personnage (fictif ou historique), du Gorgias de Platon, incarnant une figure amoraliste et profondément oligarchique. L’opposition constante entre les français (« nous») et les étrangers (« eux»), creuse un peu plus à chacun de ses mots, le fossé qui sépare ces deux « parties ». Ce clivage tournant même à l’appel à la violence et à l’incitation à la haine raciale (pour lesquelles Éric Zemmour a déjà été pénalement puni) s’opposent au vivre-ensemble et à l’égalité, tout autant qu’à la fraternité.

Les principes de la République française sont également attaqués par l’intervention du polémiste. Indivisibilité, laïcité, démocratie.  L’appel aux « jeunes français catholiques» à ne pas se laisser envahir par les jeunes moins français qu’eux est sur ce point significative. La différence de religion et la date d’installation sur le territoire français deviennent sous sa plume des critères de « francité ». La religion, ou du moins la culture religieuse, impliquerait la nationalité ainsi que la vieillesse de l’arbre planté à notre arrivée dans un pays. Il est très clair ici que Zemmour abat sa hache pour créer une scission entre les français et donc s’attaquer à l’un des principes de la France : l’indivisibilité.

La France, pareille à une palette de peinture, est multiple.  L’État reste neutre. Mais pour Zemmour, Marianne se doit de porter une croix et aucun autre symbole d’une autre religion. En s’attaquant à l’indivisibilité, Zemmour s’attaque aussi à l’un des principes fondateurs de la République : la laïcité.

D’après ces principes républicains, l’« Être français » ne signifie pas être blanc ou catholique mais plutôt considérer comme égaux ses concitoyens.

La religion (…) impliquerait la nationalité ainsi que la vieillesse de l’arbre planté à notre arrivée dans un pays. Il est très clair ici que Zemmour abat sa hache pour créer une scission entre les français…

Ce discours s’inscrit également par bien des points dans une tradition antiparlementaire. Il commence par accuser une falsification des résultats aux élections, comme si les français n’avaient aucun réel pouvoir de décision. Depuis le XIXe siècle, la critique des élus comme forme d’antiparlementarisme existe, mais il faut distinguer la critique du parlement comme une forme imparfaite de démocratie, la critique des hommes parlementaires, et enfin la critique systémique antidémocratique. Zemmour mêle habilement ces trois formes d’antiparlementarisme et poursuit sa diatribe antidémocratique en évoquant les  « radicaux franc-macs » de la IIIème république. La critique de la Franc-maçonnerie est d’ailleurs un leitmotiv du discours antirépublicain qui développe par ailleurs une théorie complotiste contre les députés. Il s’attaque ici directement aux parlementaires : « ventrus » et « vautours » pour le siècle de la machine à vapeur, « corrompus» et « incapables » pour Zemmour.

Si l’intervention du polémiste a pu choquer, c’est qu’elle crée un nouveau possible : on peut désormais critiquer ouvertement les valeurs et principes républicains. Mais cette critique n’a en fait rien de nouveau, tout juste réactualise-t-elle une tradition idéologique bien connue des historiens du XIXème siècle français.

Une tradition historique antirépublicaine

Le nationalisme du discours Zemmourien, sa xénophobie et son idéalisation de l’Ancien régime le rapproche évidemment de Charles Maurras, le chef emblématique de l’Action française. Bien sûr, tout rapprochement historique se doit de prendre des précautions, notamment celles qui s’imposent par des contextes historiques résolument différents. On ne peut certes pas prêter à Zemmour l’antisémitisme de Maurras, ni son antigermanisme lié à son époque, on ne peut pas lui prêter la verve de sa plume non plus. Cependant, le rapprochement de son antiparlementarisme, de son désir de lutte contre l’ennemi extérieur ou intérieur, et de sa quête identitaire le rallie clairement à cette tradition.

Dans son livre Le venin dans la plume (2019), l’historien Gérard Noiriel, directeur d’étude à l’EHESS, opère une comparaison entre Éric Zemmour et Edouard Drumont, journaliste du XIXème siècle et théoricien de l’antisémitisme français. Si l’exercice peut paraitre périlleux d’un point de vue méthodologique, l’historien note de nombreuses similitudes entre ces deux hommes. Sur leur parcours social tout d’abord, puisque les deux hommes rêvaient de devenir écrivains et ont fini par être journalistes ou du moins polémistes. 

Plus signifiant encore, ils manient tous deux une « rhétorique de l’inversion » qui transforme les dominés en dominants : si les juifs de Drumont dirigent La France juive (best-seller de Drumont paru en 1886), les musulmans de Zemmour ont « un plan d’occupation du territoire national ». On note dans les deux cas une déformation de l’Histoire : ils présentent les minorités ayant été persécutées au cours du temps comme des dominants. Ainsi, après avoir expliqué que les européens ont, dans le passé, exploité, massacré et mis en esclavages les indiens d’Amérique, les populations africaines, démographiquement moins dynamiques, il met en garde : « Aujourd’hui, nous vivons une inversion démographique qui entraîne une inversion des courants migratoires qui entraîne une inversion de la colonisation. Je vous laisse deviner qui seront leurs Indiens et leurs esclaves. C’est vous. ».

Gérard Noiriel note aussi chez les deux polémistes une haine sans égale envers les universitaires (notamment des historiens). Ils sont jugés comme adhérant au complot (juif et étranger pour Drumont, islamo-immigrationniste pour Zemmour) en dénaturant l’Histoire de la France. Ainsi, Zemmour a qualifié Patrick Boucheron, historien médiéviste professeur à Paris1 Panthéon-Sorbonne et au Collège de France, de « fossoyeur de l’Histoire de France »pour l’ Histoire mondiale de la France (2017), un ouvrage collectif qu’il a dirigé et qui fait une histoire connectée de la France.

En transformant l’islam en peuple et en niant sa diversité et sa complexité sociale, Éric Zemmour oppose « les musulmans » au « peuple français » ce qui permet la xénophobie…

Leur haine vis-à-vis des juifs ou des musulmans est également très comparable, notamment quant à la personnification de ces deux groupes. Ainsi, Zemmour ne s’oppose pas directement à la religion en tant que croyance,  il considère les musulmans comme un peuple. Nous sommes assez frappés par cette essentialisation qui donne un support concret pour la haine. Nous n’avons pas pu éviter de comparer ce procédé à la transition de l’antijudaïsme vers l’antisémitisme aux XVIIIème et XIXème siècle, où le peuple était plus visé que sa religion. En transformant l’islam en peuple et en niant sa diversité et sa complexité sociale, Éric Zemmour oppose « les musulmans » au « peuple français » ce qui permet la xénophobie et renvoie à un schéma binaire et simplifié. Drumont dénonçait les « élites enjuivées » , Zemmour s‘en prend quant à lui aux « islamo-gauchiste ».

Le discours identitaire est évidemment un autre point de convergence entre les deux discours. On assiste au même procédé d’essentialisation avec ce que Noiriel nomme la « grammaire identitaire » : selon ces deux polémistes, pour être un « vrai français » il faut être un « homme blanc hétérosexuel et catholique ». C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont décrits comme les premières cibles des « ennemis de la France ». On note donc un rejet constant des minorités sexuelles, mais également ethniques . 

Afin de faire parler d’eux, Drumont se battait en duel au bois de Boulogne et Zemmour multiplie les clashs sur les plateaux de télé.

Enfin, Gérard Noiriel explique que le rôle des médias dans l’ascension des deux personnages est très comparable. Comme Drumont au XIXème, Zemmour arrive à un moment de transition importante dans histoire des médias : Drumont écrit à l’heure de la massification de la presse et de sa démocratisation, et Zemmour à celle de la révolution numérique et des chaînes d’info continue. Dans ces contextes-là, ces deux figures sont évidemment des « bons clients ». Afin de faire parler d’eux, Drumont se battait en duel au bois de Boulogne et Zemmour multiplie les clashs sur les plateaux de télé. Leurs scandales font couler beaucoup d’encre et de clics, et en conséquence: les médias se les arrachent…

Plus proche de nous, l’histoire de l’antirépublicanisme nous amène aux années 1930 et 1940, période où la rhétorique antirépublicaine cristallisée à la fin du XIXème se fédère s’organise dans des mouvements politiques forts. C’est aussi la période où les régimes autoritaires et totalitaires naissent et se forment en Europe en s’affirmant comme une alternative à la démocratie. Le moins que l’on puisse dire est qu’Éric Zemmour entretient un rapport ambigu à cette période. Si dans ses essais et chroniques, Zemmour multiplie les références à Vichy, affirmant son attachement aux valeurs de l’État français de Pétain, arguant contre tous les spécialistes que Pétain a œuvré pour sauver les juifs de France, il décrit néanmoins les « années trente » comme une période néfaste. Il compare notamment le pacte germano-soviétique à une alliance supposée « des deux totalitarismes droits de l’hommiste et islamique ». De même, Hitler est évidemment décrit comme un dictateur sanguinaire. 

Cette ambiguïté qu’entretient Zemmour sur cette période est également visible à travers ses citations. En une trentaine de minutes, Zemmour cite pêle-mêle Cioran (philosophe nihiliste roumain n’ayant pas caché son admiration pour Hitler et sa sympathie pour le fascisme), Pierre Drieu la Rochelle (écrivain engagé dans la collaboration se décrivant lui-même comme socialiste et fasciste, grand décadentiste), Boualem Sansal (écrivain algérien, défenseur des droits de l’Homme, banni d’Algérie pour ses critiques envers le pouvoir et les religions). Ce dernier s’oppose à l’islamisme et incite l’islam à  « retrouver sa spiritualité, sa force première ». Sa critique de l’islam est fine, argumentée, et non systémique ; elle est en revanche totalement caricaturée par Zemmour. Enfin, les « nombreux bons esprits (qui) comparent l’UE à l’URSS » dont parle Zemmour sont une référence à Vladimir Boukovsky (militant pour les droits de l’Homme russe, prisonnier politique en URSS), Marion Maréchal le Pen, Viktor Orban, …

Une utilisation particulière de l’Histoire

Zemmour, dans son discours, évoque une certaine nostalgie. Son principe du « c’était mieux avant… » ramène à une valeur très conservatrice qui considère la France actuelle comme décadente. Il s’oppose donc à des mouvements actuels et progressistes, tels que les mouvements LGBT, le féminisme, etc.

Il met donc en avant une Histoire simpliste qui ne connaît que deux grandes étapes. Avant 1789, c’était bien. Après 1789 , c’était mal.

Le point de césure : 1789, la Révolution française. Après cela, Zemmour décrit de manière erronée l’état de la France, qui n’a fait que de décliner selon ses dires, sans un élément bonifiant à mettre en lumière. Il met donc en avant une Histoire simpliste qui ne connaît que deux grandes étapes. Avant 1789, c’était bien. Après 1789 , c’était mal. Seulement, l’Histoire ne se limite pas à une telle simplification caricaturale. Elle est beaucoup plus compliquée, plus tordue, ne s’arrêtant pas à un aspect « tout noir » ou « tout blanc ». Il y a du bon et du mauvais dans chaque âge, et d’ailleurs l’Histoire ne peut pas être soumise à un jugement. Pourtant, Zemmour affirme le contraire. Il nous donne ainsi de son point de vue une vision positive de ce qu’était la France avant 1789, c’est à dire avant la république, à l’époque de la monarchie absolue. Il se love ainsi dans une vision illusoire et idéalisée de ce qu’était la France de l’Ancien régime, en repoussant encore et encore les points positifs de la France actuelle.

Durant son discours, Zemmour cite de nombreux exemples tirés de l’Histoire, issu d’une recherche manquant de sérieux. Entre le Moyen-Âge et la guerre d’Algérie, en passant par les années 1930 et le règne de Louis XIV, il cite pêle-mêle les exemples sans cohérence chronologique. Son discours pourrait être comparé à un patchwork historique, où il coud et découd la grande toile de l’Histoire pour lier des éléments qui n’ont aucun rapport entre eux, à part peut-être, l’utilisation qu’il en fait. Ainsi, lorsqu’il cite Charles Martel (calé entre le siège de Vienne de 1683 et la « Guerre du Feu » qui soit dit en passant est un roman ou un film), il y transmet une vision exagérée de la bataille de Poitiers (732) qui selon Henri Pirenne ne fut qu’une victoire parmi d’autres, n’empêchant qu’un simple pillage. D’autres historiens s’opposent à cette version : l’histoire est constituée de débats entre spécialistes. Aucun marqueur de modalisation, aucune nuance chez Zemmour, ce qu’il dit est « vrai ». Ainsi désarticulés, coupés de leur source et de leur origine, ces exemples peuvent être interprétés et convoqués à loisir, pour prouver l’idée de départ du polémiste, au détriment de la cohérence du récit historique. 

Il pioche à différentes époques des exemples appuyant ses arguments antirépublicains. Pouvons-nous alors parler d’une recherche historique ?

Zemmour raconte l’Histoire d’une manière totalement opposée à la méthode d’un historien. Les historiens se spécialisent dans une époque et approfondissent leur travail dans ce domaine. Zemmour fait tout le contraire. Il pioche à différentes époques des exemples appuyant ses arguments antirépublicains. Pouvons-nous alors parler d’une recherche historique ? Il ne prend que ce qui peut l’aider à prouver ses dires, de manière totalement subjective. Une recherche en Histoire se doit d’être objective, méthodique et spécialisée. Un historien doit, comme dit précédemment, exposer les faits, en étayant son interprétation. Cette façon de réfléchir constitue la méthode historique. Partir d’un point, d’une origine,  rechercher, confronter les sources, faire des conclusions, comprendre grâce à des réalités énoncées par des preuves concrètes. Ainsi, on doit justifier le récit historique par des arguments scientifiques, par un recours aux archives ou à d’autres sources.  Zemmour agit totalement différemment. Il sélectionne les informations, les exemples, qu’importe leur sens véritable ou leur époque, afin d’appuyer son discours et ses arguments. Il n’agit pas de manière à analyser les faits du passé. Il veut tout simplement utiliser l’Histoire pour appuyer son propre discours, et ainsi donner une valeur absolue à ses dires.

Cette utilisation fallacieuse de l’Histoire est typique des discours manipulateurs, qui l’utilisent dans le but d’impressionner leur auditoire. Lorsque l’on considère le temps d’antenne accordé au polémiste, et la rareté d’une retransmission aussi longue de discours politique, on peut penser que cela fonctionne assez bien…

Par Livia Choulet, Léonie Digny, Léane Eyraud, Albane Lazert, Sila Ulker,

sous la direction de Youri Aguilaniu