Le mot du prof:

Cet article constitue la seconde partie d’un sujet abordé en 2020, et visant à éclairer la place de la démocratie dans notre régime politique. Depuis l’année scolaire 2019-2020, l’équipe a été modifiée et s’est enrichie de nouvelles recrues. Désormais, l’observatoire de l’antirépublicanisme compte dix élèves de la cité scolaire Alexandre Lacassagne, étudiant en classes de 3ème, 2nde et 1ère. Les nouvelles élèves de l’équipe ont donc dû s’inscrire dans un projet qu’elles n’ont pas vu naître, et aborder des thèmes encore inconnus, notamment pour celles étudiant en collège. L’écriture collaborative et coopérative de cet article fut donc un travail complexe et extrêmement riche rendu possible par le sérieux et la finesse des élèves.

NB: J’ai écrit les légendes des illustrations en reprenant les analyses et discussions du cours.

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«Dictatoriale ! », «antidémocratique ! » autant d’adjectifs entendus dans la bouche de personnalités politiques et médiatiques pour qualifier le gouvernement, sa politique et de manière générale le régime de la  Vème république. Certains, à l’image d’Etienne Chouard, enseignant d’économie et blogueur, affirment que nous  vivons dans une « anti démocratie», une illusion. Si dans notre dernier article, nous avons vu que notre régime n’était pas une «démocratie» au sens stricte du terme, qu’est-il réellement?  On le nomme : système représentatif. Mais de quoi s’agit-il? Pourquoi est-il tant critiqué par nos contemporains? Jusqu’où remontent ses racines ? Et enfin peut-on parler de crise de la représentation de celui-ci?

Les personnes qui accusent le gouvernement représentatif mettent en lien la Révolution Française, c’est le cas notamment d’Etienne Chouard. Mais il s’agit de dénoncer la République Française et ses valeurs à travers une critique de notre régime républicain actuel. 

Les lointaines origines de la représentation politique

Représentation et gouvernement représentatif…

D’après Etienne Chouard le gouvernement a été “conçu par les riches au XVIIIe siècle pour dominer les pauvres” . Selon lui, le principal moyen de cette domination serait la rédaction de la Constitution. Cette datation ferait coïncider l’apparition de cette domination des riches  avec les révolutions américaine et française, ce qui est un moyen de les critiquer. 

Dessin de Caran d’Ache, 1898. Si la lecture historique de la Révolution française d’E. Chouard n’est pas en soi antisémite, elle s’inscrit dans une longue tradition antirépublicaine et anti dreyfusarde. Ici, le paysan d’après 1789 doit supporter un bourgeois, un franc-maçon et un juif, au lieu d’un simple noble durant l’ancien régime.

Les spécialistes s’inscrivent en faux quant à cette datation. Le principe de représentation est sans doute apparu au moyen âge. Bernard Manin, politologue et philosophe politique de référence sur le sujet, explique que les origines de la représentation sont à rechercher au moyen âge, dans le cadre de L’Église, qui souhaitait faire le lien avec les chrétiens réunis en communauté, ou encore celui des villes avec le roi ou l’empereur. Certains historiens pensent même que la représentation politique est apparue dans l’antiquité. Scipione Maffei affirmait déjà en 1736 que les Romains exerçaient la représentation en se basant sur les récits de Tacite dans Germania.

Quant au gouvernement représentatif, ce régime politique basé sur la représentation, son origine fait encore débat chez les historiens. Toutefois on peut peut-être avancer une naissance lors de la «glorieuse révolution» en 1689 quand le parlement anglais imposa ses droits au nouveau roi, Guillaume III d’Orange, après la destitution de Jacques II, qui s’y était opposé. 

Bernard Manin
Directeur d’études à l’EHESS et professeur à la New York University.

… un vieux débat

Ainsi, la question de la représentativité, comme capacité d’un Etat à représenter son peuple, n’est pas nouvelle… et les débats qu’elle suscite non-plus ! Aux XVIIIème et XIXème siècles, des philosophes politiques pensent la démocratie et opposent leur vision du système. 

Jean-Jacques Rousseau (1753) Benjamin Constant (1847)

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) est un écrivain, philosophe et penseur de la démocratie pris comme référence. En 1762, il publie Du Contrat Social, dans lequel il énonce son idéal républicain, et une critique du système représentatif dans le Livre III. Il se montre favorable à la séparation des pouvoirs, puisqu’il qualifie de « dangereux » le fait que celui qui fasse la loi l’exécute.
D’après lui, il n’existe pas de « démocratie par excellence ».  S’il affirme en effet que « s’il y avait un peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes », il considère néanmoins la démocratie directe athénienne comme étant la démocratie témoin, la seule qui ait pu garantir ce qui s’approche le plus de l’idéal démocratique.
Toutefois pour lui, la logique veut que le plus petit nombre gouverne car il est plus simple de s’accorder avec peu de personnes que lorsque l’assemblée est large : de tous temps les plus petites institutions et groupes viennent à dominer la majorité. Sur ce point, il remet en cause le système athénien de démocratie et la supériorité de la majorité des citoyens. De plus, toujours en s’appuyant sur le modèle antique, il rejoint Aristote qui affirme qu’un système de démocratie directe comme celui d’Athènes ne peut subsister que dans un État peu étendu. 

Il n’est pas le seul philosophe des Lumières, à l’image de Diderot, à concéder qu’une démocratie comme celle qui était pratiquée à Athènes n’est pas transposable dans les sociétés actuelles. Ces penseurs des Lumières sont alors confrontés à un problème qui se pose dans des termes nouveaux : comment concilier un système démocratique (direct)  et un Etat moderne ? 

Une génération plus tard, Benjamin Constant (1767-1830), figure du libéralisme du XIXe siècle, se prononce sur le sujet dans un discours resté célèbre. Le mouvement dont il est l’un des précurseurs consiste à favoriser les libertés et à encadrer l’intervention de l’État dans la gestion de celles-ci en le limitant à ses fonctions régaliennes (gestion de la police, de la monnaie et la diplomatie). Ainsi, Constant oppose les libertés des Anciens (les Athéniens), et celles des Modernes. Chez les Anciens, la liberté consistait en l’exercice de la politique, contrairement aux Modernes qui privilégient les loisirs et les libertés individuelles. La sphère privée est plus importante chez les Modernes que chez les Anciens, pour qui le bien commun primait sur le bonheur individuel. L’auteur admet cependant un risque à trop se focaliser sur les libertés individuelles : oublier la politique, et laisser une minorité décider pour soi. Ainsi, il dénonce la représentation politique, qui peut mener au despotisme dans les cas extrêmes, lorsque les représentants ne sont pas surveillés. 

Cette critique de l’individualisme politique a été reprise par Alexis de Tocqueville (1805-1859), qui a notamment analysé la démocratie aux Etats-Unis dans son livre De la Démocratie en Amérique (1835). La représentation politique incite les citoyens à ne plus se préoccuper de la politique, à vaquer à leurs loisirs tandis qu’un groupe de personnes, censé représenter le peuple, évolue et dirige leur nation sans surveillance. Le risque est la montée au pouvoir de personnes mal intentionnées. D’ailleurs, la représentation, qui a été prévue pour garantir les libertés individuelles, peut avoir l’effet inverse. En effet, en partant à la recherche du bonheur individuel, l’Homme s’est finalement retrouvé entravé dans un système qui le maternise, le protège, mais aussi l’oppresse. L’Homme ayant soif de liberté, il place son pouvoir entre les mains d’autres hommes et femmes qui les encadrent, les guident et finalement les privent de certains droits: nous sommes face à un paradoxe immense. Si Tocqueville se montre séduit par le système américain, il en exprime les failles et les limites : le peuple est dépendant de ses représentants, et en quête d’indépendance, il élit lui-même les chaînes qui restreignent ses libertés.  

Le mode de gouvernement représentatif présente donc des avantages, puisqu’il permet de garantir les libertés individuelles, mais il reste vivement critiqué. Les libertés sont illusoires dans un monde où la démocratie est sans cesse menacée par des « nouveaux despotes ». L’éternel balancier entre la minorité (les élites), qui gouverne plus facilement, et la majorité, souvent écrasante ( le peuple) est par nature déséquilibré. Aujourd’hui comme au XVIIIème siècle, cet ascendant des élites minoritaires sur le peuple majoritaire risque de mettre en péril la démocratie. Le système représentatif permet-il de se protéger contre ce risque? La question se pose désormais dans des termes différents, avec la notion de ”démocratie augmentée” via les médias et les réseaux sociaux, mais la finalité, concernant la mise en danger de la démocratie, reste sensiblement la même. Quoiqu’il en soit, les débats autour de la démocratie et ses formes existent depuis plusieurs siècles, mais ne trouveront jamais de réponse universelle. 

Qu’est-ce qu’un gouvernement représentatif? 

Définition

La République française est depuis sa naissance lors de la Révolution un régime représentatif et non démocratique. Comme l’affirmait l’abbé Emmanuel-Joseph Siéyes dans un fameux discours le 7 septembre 1789 :  “Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants”.

Comment définir alors notre régime? Bernard Manin, référence sur le sujet en retient quatre caractéristiques :

  • Le caractère récurrent des élections en fait partie. 
  • L’indépendance des élus par rapport à leurs électeurs. 
  • La liberté d’opinion des électeurs. 
  • Les décisions publiques sont soumises à la discussion, au débat. Il faut noter cependant que ce débat n’est pas un procédé de gouvernement mais plutôt une façon d’examiner, de tester une décision. En d’autres termes, un projet de loi peut être débattu, y compris par la rue (manifestations, pétitions, mouvements sociaux, etc.), mais les dirigeants n’en tiennent pas forcément compte dans leur décision finale. Nous y reviendrons. Le débat public est donc plus une méthode pour mettre à l’épreuve les décisions publiques, qu’un moyen de prendre une décision.

Nadia Urbinati, théoricienne politique italienne, ajoute deux critères à cette définition:

  • L’importance des partis politiques comme structures permettant de faire l’intermédiaire entre les citoyens et les institutions de gouvernement,
  • la nécessaire représentativité, c’est-à-dire la capacité du régime à représenter l’opinion des électeurs, y compris entre les élections, afin d’éviter trop de déconnection entre dirigeants et électeurs. Cela peut passer par les partis politiques, mais aussi par les pétitions, les associations, les pétitions, etc.

Démocratie directe vs démocratie représentative

Contrairement à l’avis d’Etienne Chouard, Bernard Manin ne voit pas d’incohérence dans une démocratie représentative. Il parle de gouvernement “mixte”, c’est-à-dire que les éléments démocratiques ne forment qu’une partie des caractéristiques du régime. D’autres éléments non démocratiques ont d’autres logiques. Il s’agit d’un  gouvernement beaucoup plus complexe que la démocratie directe qui, à l’opposé, exerce un régime simple, non mixte et impliquant une pluralité d’éléments. Le gouvernement représentatif possède l’avantage d’être plus stable que la démocratie directe car son nombre inférieur de dirigeants permet des décisions mieux réfléchies et plus durables.     

Ce qu’il y a de sûr c’est que la démocratie représentative polarise les débats. Si l’on penche notre oreille d’une extrémité à l’autre, on a presque l’impression d’entendre parler de deux systèmes radicalement opposés qui encadrent une multitude d’autres opinions. Mais alors, que représente ce nuancier de couleur ? Penchons-nous sur deux opinions contraires. 

La première remonte à Thomas Paine (1737-1809), penseur anglais, grand partisan de la République et des droits de l’Homme. Il a suivi avec enthousiasme la révolution française et affirme que la démocratie représentative surpasse son aînée. En effet, il explique que  dans un gouvernement représentatif, le Parlement est directement connecté au peuple. De plus, les débats y sont moins houleux et directs que dans la Grèce antique. Cela assure une stabilité démocratique. 

Cette opinion est à l’opposée de la critique d’Étienne Chouard suivie par une partie du mouvement “gilets jaunes”. Le système représentatif y est décrit comme anti démocratique et la critique est âpre : “C’est une ploutocratie, le pouvoir des riches”. Selon E. Chouard, nous sommes représentés par une élite et le pouvoir ne pourrait jamais atterrir entre les mains d’une personne lambda. Le choix de nos représentants serait donc restreint : nous ne pourrions choisir qu’entre une poignée d’élites. 

Etienne Chouard, enseignant, blogueur

Toutefois, la pertinence de cette analyse peut être remise en cause. En effet, depuis que le monde est monde et que des gouvernements politiques se sont mis en place, le pouvoir est toujours revenu aux riches: la monarchie absolue avec sa société d’ordre, l’empire romain et ses patriciens ou encore les pharaons dans l’Egypte antique. Quels gouvernements échappent à un système dirigé par les plus riches ? 

Un système en crise?

Un système élitiste?

Pourquoi alors les détenteurs du pouvoir se ressemblent-ils ? En effet le stéréotype de l’élite politique est blanc, vieux, de classe sociale élevée et qui par conséquent a fait des études. Quels procédés utilisons-nous pour élire nos dirigeants ? Sont-ils élus grâce à leurs compétences ? 

Dans aucun des deux systèmes (démocratie directe ou représentative), les élus ne sont sélectionnés sur leurs compétences.

Parmi les détenteurs des trois pouvoirs politiques (législatif, exécutif et judiciaire), seuls les juges (justice) sont issus d’une sélection par concours, c’est-à-dire par un système sélectionnant sur les compétences. Nos représentants sont élus et choisis par rapport à l’image qu’ils renvoient et non par leurs qualités réelles. Nous votons pour une personne en fonction de son charisme, son physique, ses idées, son parti, son nom, sa capacité à renvoyer une image positive, dans laquelle on se reconnaît. Tous ces critères de sélection n’impliquent pas la capacité à diriger du candidat. Le jugement des électeurs ne garantit en rien la capacité (ou l’incapacité) du candidat à diriger. En exemple, lorsque Winston Churchill fut désigné au poste de 1er ministre britannique durant la seconde guerre mondiale, son parti ne le considérait alors pas apte à la tâche, il revenait même de dix ans de creux dans sa carrière. Son habileté à gérer le pays durant le conflit en fit néanmoins une grande figure du XXème siècle. La démocratie représentative est donc basée sur le vote et sélectionne les dirigeants sur leur capacité à susciter l’adhésion. La démocratie directe, elle, fonctionne par tirage au sort, c’est-à-dire par le hasard. Il faut donc noter que dans aucun des deux systèmes, les élus ne sont sélectionnés sur leurs compétences.

Mais pour en arriver là, les candidats ont en règle générale étudié dans des écoles prestigieuses. Cela dit, on observe une surreprésentation des classes sociales favorisées dans les étudiants de ces écoles, ce qui est à mettre en relation avec le capital social et le capital culturel.

Le capital social est défini par les réseaux dans lesquels nous pouvons être intégrés, ce qui peut amener des avantages, une meilleure compréhension d’un certain milieu, etc. Il s’associe souvent à un capital économique. Le capital culturel, analysé par les sociologues Pierre Bourdieu et Jean Claude Passeron, est une notion qui désigne l’ensemble des « bien culturels » transmis dans une famille. Ainsi, un enfant d’enseignant sera plus familiarisé avec des sujets culturels, scientifiques et politiques qu’un enfant issu d’une famille où les échanges sont limités sur ces sujets et ont une portée culturelle faible.

Un enfant issu d’un milieu cultivé aura donc statistiquement plus de chance de réussir dans ses études qu’un enfant issu d’un milieu ou l’accès à l’information et la culture est plus compliqué. Cette notion a été critiquée car il y a évidemment des contre-exemples, mais c’est indéniable statistiquement.

Le capital culturel de Pierre Bourdieu (dessin de F. Duriez)

La crise de la représentation?

« La France est le pays européen dans lequel les citoyens ont le moins confiance en leurs représentants politiques »

Une phrase lourde de sens, prononcée par Martial Foucault, agrégé de Sciences Politiques et chercheur au CEVIPOF (Centre d’études de la vie politique française), dans un contexte de défiance permanente du peuple français envers le gouvernement, et les représentants politiques en règle générale. En effet, de nos jours, dans la cour du lycée ou lors d’un repas de famille, on entend des propos qui attestent d’un réel sentiment de déconnexion entre le peuple et ses représentants.

Selon l’étude académique annuelle du CEVIPOF nommée « Baromètre de la confiance publique » sur la population française, 70% des personnes interrogées disent ne pas avoir confiance en le gouvernement, et 60% ne croient plus en la démocratie telle qu’elle est présentée aujourd’hui.  Les dirigeants sont taxés de menteurs ou encore d’incompétents.

Cette défiance est-elle liée aux hommes, ou au gouvernement représentatif en tant que tel? En effet, les caractéristiques décrites plus haut par B. Manin posent problème : une fois au pouvoir, le président de la République n’est en aucun cas obligé de tenir ses promesses durant tout son mandat (indépendance des élus). Cependant, il doit faire en sorte d’être réélu aux prochaines élections, c’est pourquoi à la fin de son mandat, il honore ses promesses  annoncées aux élections précédentes pour gagner la confiance des électeurs (récurrence des élections). Ces comportements électoralistes sont mal vus par nos concitoyens. De même, le gouvernement travaille seul. Il écoute les propositions des français mais n’en tient pas forcément compte (décisions publiques soumises à discussion). Le peuple n’a aucune garantie d’être entendu ou de parvenir à d’éventuels changements. Par exemple, lors du Grand Débat National, Emmanuel Macron a réuni les français pour  écouter leurs revendications et leur répondre. Mais est-ce réellement pris en compte? En effet, on ne constate aucun changement dans notre système gouvernemental suite à cette intervention.

Il faut noter qu’en France, nous sommes face à une vague de jeunes électeurs, à l’aube de leur citoyenneté, qui montrent un désintérêt pour les questions politiques. C’est d’ailleurs l’un des dangers relevés par Tocqueville et Constant, que nous avons évoqué plus haut ;  le risque de la représentation est d’oublier la politique et de laisser d’autres personnes, avec leurs intentions, bonnes ou mauvaises, décider pour nous.
Alors, pourquoi cette jeune génération âgée de vingt à trente ans, prend-elle une distance avec la politique ? Ce manque d’intérêt est d’abord dû au manque de représentation : ces électeurs ne trouvent pas de candidat qui respecte suffisamment leurs convictions. Ce sentiment est hélas inévitable et il peut difficilement être soulagé puisqu’il n’existe qu’une poignée de candidats pour soixante-six millions de français ! 

Surtout, les Français demandent à être représentés davantage. Ils réclament plus de diversité au sein du parlement ou même du gouvernement : plus de femmes, de jeunes, de personnes de couleur, issues de milieux sociaux différents, …). Pour Bernard Manin, cette revendication de représentativité nuance l’idée de crise de la représentation, c’est même la preuve qu’elle est encore attractive.

Certains électeurs (plus âgés) disent regretter les mandats de Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand ou Jacques Chirac, et leurs lots de réformes. Ces présidents paraissaient sans doute plus proches de leur peuple, ou du moins à leur écoute. Le gouvernement actuel est donc jugé trop détaché par cette frange de la population nostalgique. Cela tient au style de gouvernement du mandat Macron, qui s’incarne dans les discours présidentiels dont le niveau de langue est souvent raillé pour être trop soutenu.


Enfin, d’autres citoyens adoptent une attitude fataliste en abandonnant l’idée que la société et le système peuvent évoluer. Le changement est alors une revendication vaine. En effet, beaucoup de jeunes électeurs ne se sentent pas concernés : ils se figurent un mur infranchissable et hermétique entre eux et le gouvernement, comme deux mondes qui ne peuvent se côtoyer.  Ils ne réclament donc plus d’être représentés; peut-être que la crise est là.

Sondage Ipsos, élections législative (2017)

Finalement, les revendications pour voir évoluer le système, menées dernièrement par les Gilets Jaunes, expriment surtout une volonté de plus de représentativité. Le peuple ne se retrouve pas, et n’a pas confiance en les représentants actuels. Pour autant, si les dénonciations sont nombreuses, les propositions de solutions concrètes pour réformer le système sont rares. 

Le rôle fondamental des médias

Si le lien entre le peuple et les élus semble parfois brisé, c’est aux médias qu’il incombe de le rétablir. Nous ne connaissons pas nos dirigeants personnellement. Nous avons seulement des informations que la presse nous renvoie. Elle joue un rôle fondamental dans la vie politique du pays. Mais ces informations sont-elles fiables? Qui sont les détenteurs de ces médias? 

Beaucoup accusent les médias de faire de la propagande d’État. En effet, plusieurs journaux et chaînes d’infos sont détenus par une seule et même personne, on peut donc se poser la question de l’indépendance de ces médias. La question de la pluralité des médias est également soulevée: si une seule personne détient de nombreux médias, leurs contenus sont-ils réellement différents ? 

Mème trouvé sur twitter (2018), dénonçant le complot médiatique et son emprise sur le pouvoir politique. La main du marionnettiste est issue d’une iconographie propre à la théorie du « complot illuminati ».

Ce débat peut rapidement tourner au complotisme lorsqu’il est mené sans discernement: les médias se rallient-ils pour nous faire adopter une seule et même idée? Les nombreuses et diverses critiques de la politique gouvernementale tendent malgré tout à nous rassurer quant à la pluralité de l’information. Cependant, ces questions sont très légitimes : les médias étant la seule chose qui nous relie directement aux hommes et femmes politiques en France, il faudrait pouvoir être rassuré de la véracité de ces informations et de la fiabilité de ceux qui les écrivent. C’est pour cela que l’opinion publique réclame plus d’indépendance et de pluralité au sein des médias français, conditions sine qua non pour une réelle démocratie représentative. 

Par Esther Bellanca-Penel, Lisa Bergaentzle, Clara Berthuit, Léa Cabrera, Livia Choulet, Albane Lazert, Lily Oeuvrard, Serena Silvestre, Meltem Ulker et Sila Ulker

Sous la direction de Youri Aguilaniu